Les Ecoles Normales en Meuse

Est Républicain 28/08/2022

BAR-le-DUC

L'Ecole Normale au château Ducal(Ecole d'enseignement mutuel) et L'Ecole Normale de Filles.

COMMERCY

  • L'école normale de Commercy  
  • - Installée en septembre 1854 dans les bâtiments du prieuré du faubourg de Breuil à Commercy, cette école forma les instituteurs et enseignants du département de la Meuse jusqu'à son transfert à Bar-le-Duc au lieu dit Pilvitheuil, en janvier 1963.

Le monument aux morts

Jean-Pierre HARBULOT- Les écoles normales de la Meuse (1914-1915) 

 

LES ÉCOLES NORMALES DE LA MEUSE EN 1914 ET EN 1915

 

Extraits des Bulletins de l'Instruction publique n° 7 (août 1915) et n°?? (août-septembre 1916) où sont imprimés les rapports établis par l'inspecteur d'Académie de la Meuse à l'attention du Conseil général du département.

 

 

L'École normale d'instituteurs de Commercy

 

Juillet 1914 : la fin d'une année scolaire et un nouveau recrutement

« Au cours de l'année scolaire, la vie des élèves maîtres s'est déroulée, sans incident notable, dans les conditions normales. Les élèves, en grande majorité, sont convaincus de l'importance de leurs futures fonctions et travaillent consciencieusement à leur instruction. La vie d'internat n'a rien de pénible : la discipline est très douce et paternelle ; les exercices physiques, jeux, travaux du jardin, tir, des sorties libres, coupent très utilement et agréablement ce que les classes et les études pourraient avoir de monotone.

Ces exercices sont complétés, à la grande satisfaction des élèves, par des conférences extra-­universitaires faites par diverses personnalités : officiers, archiviste départemental, etc. et par des excursions artistiques ou scientifiques et agricoles, dirigée par le professeur de sciences chargées de l'enseignement du dessin, et par le professeur départemental d'agriculture. On ne saurait trop remercier le Conseil général d'avoir bien voulu, par une dotation spéciale, permettre l'organisation de ces excursions qui permettent aux futurs instituteurs meusiens de mieux connaître notre belle Lorraine et d'apprécier sur place ses richesses artistiques ou industrielles. » [...]

« L'école annexe continue à jouer le rôle qui lui est assigné. Quatre élèves maîtres y sont simultanément en service dans les différents cours, de façon que chacun des élèves maîtres de troisième année y fasse un séjour total d'environ deux mois. Ce stage, dont la durée paraît suffisante, est complété par des visites aux écoles communales des villages environnants ; ces visites permettent aux normaliens de constater la souplesse des méthodes pédagogiques appliquées par des maîtres différents placés dans des conditions variées. »

« À la session de juillet 1914, 10 élèves sur 20 en 2e année et un sur deux en 3e année ont obtenu le brevet supérieur. La session d'octobre, qui eût permis à un certain nombre d'élèves de réparer leur échec de juillet, n'a pas eu lieu ; elle a été remplacée en mars 1915 par une session extraordinaire à laquelle la plupart des candidats éventuels, mobilisés, n'ont pu se présenter : un élève sur deux seulement a été admis dans la Meuse. »

Comme chaque année, le concours de recrutement d'élèves-maîtres a eu lieu en juillet. « Trente-huit candidats s'étaient fait inscrire ; 34 se sont présentés ; 21 ont été admis et cinq ont été inscrits sur une liste supplémentaire. Douze des candidats admis provenaient des écoles primaires supérieures (Vaucouleurs, 8 ; Montmédy, 4) ; 5 provenaient des cours complémentaires (Bar-le-Duc, 2 ; Verdun, 1 ; Stenay, un ; Aubervilliers (Seine), 1; 2 provenaient des écoles primaires (Les Monthairons, 1; Septsarges, 1); enfin le collège de Commercy et l'école annexe de l'école normale avaient fait recevoir un candidat. »

L'entrée en guerre

« La vie à l'École normale, en 1914, se passait dans des conditions normales et satisfaisantes, lorsqu'au lendemain du concours d'admission fut lancé l'ordre de mobilisation générale. Maîtres et élèves se rendirent immédiatement là où les appelaient leur devoir et la Patrie, chacun à son poste de combat.

Trois professeurs, sur six, étaient immédiatement mobilisés ainsi que la presque totalité des élèves de 3e année ; en novembre, puis en avril, l'appel des classes 1915 et 1916 intéressait plus particulièrement la deuxième année.

En raison de la proximité du théâtre des opérations, la rentrée d'octobre n'avait pas eu lieu, et l'école fut alors transformée en hôpital auxiliaire. L'école annexe continua à fonctionner jusqu'au 13 décembre; à cette date, le bombardement de Commercy détermina l'évacuation de la formation sanitaire installée à l'école et le licenciement de l'école annexe.

Comme il ne parut plus possible de recueillir à Commercy les élèves restant des promotions de première et de deuxième année, ces élèves furent admis : ceux de deuxième année à l'école normale de Mirecourt ; ceux de première année à l'école normale de Vesoul où ils furent accompagnés, dans chacun de ces établissements, par un professeur de lettres disponibles. »

Le début de Tannée 1915 : une École normale sans normaliens

En juin 1915, les locaux de l'École normale sont occupés par un service de santé et par l'école annexe, réouverte depuis le 15 mars 1915 sous la direction de deux instituteurs réfugiés. « L'entretien matériel de l'établissement est assuré par le personnel domestique demeuré dans la maison. »

Le personnel enseignant se limite à deux professeurs : un professeur de lettres qui est à l'École normale de Mirecourt avec ce qui reste de la 3e année (deux élèves) et de la 2e année (cinq élèves) ; un second professeur est à l'École normale de Vesoul avec la première année (15 élèves) ; les autres professeurs ou élèves sont mobilisés.

Quant aux 61 élèves (21 en lère année, 20 en 2e et en 3e années), ils se répartissent ainsi à la date du 1er juin 1915 : 27 sous les drapeaux (1+11+15 par promotion de la lère à la 3e année), 24 en cours d'études dans d'autres EN (15+6+3), 4 enseignent comme intérimaires (2+1+1) et 6 sont prisonniers civils des Allemands ou sont restés dans les pays envahis (3+2+1).

En juillet 1915, les nouvelles reçues des mobilisés sont satisfaisantes. L'inspecteur d'Académie peut déclarer : « les élèves se montrent plein d'entrain et d'ardeur, et nous avons eu, jusqu'à ce jour, la satisfaction de ne déplorer aucun décès. Monsieur Gaudel, professeur, qui avait été blessé en septembre, a repris sa place au front. »

Octobre 1915 : une réouverture pour les seuls élèves-maîtres de lere année

« En octobre 1915, il fut jugé préférable de rouvrir l'École et une rentrée partielle s'effectua à Commercy avec une promotion : la lere année, comptant 16 élèves. »

Le concours de recrutement organisé en juillet n'a pas donné les résultats attendus. Le recrutement de la dernière promotion entre parenthèses (lère année) s'est ressenti des épreuves terribles que notre département a plus particulièrement subies, de la dispersion et de la ruine de nombreuses familles meusiennes. « 19 candidats se sont fait inscrire, 17 se sont présentés, 16 ont été admis. » 7 provenaient de l'EPS de Vaucouleurs, 3 du CC de Verdun, 2 du CC de Bar-le-Duc, 1 du Lycée de Bar-le-Duc et 3 d'écoles primaires : Commercy, école annexe : 2 ; Bazincourt : 1).

Depuis cette époque, l'école fonctionne régulièrement ; deux professeurs, l'un de Lettres, l'autre de Sciences, se partagent les enseignements principaux ainsi que l'administration de l'établissement ; pour le surplus, il a été fait appel au concours de maîtres auxiliaires.

Les élèves de 2e année continuent leurs études à l'École normale de Mirecourt.

Il n'existe plus de 3e année par suite de l'appel des classes 1916 et 1917.

Enfin, Monsieur le Recteur ayant autorisé la ville de Commercy à disposer d'une partie des locaux de l'École normale pour y installer son École primaire supérieure de filles, l'école annexe, école d'application devenue sans objet, a été supprimée. »

« Malgré les événements, la vie se déroule à l'École normale de Commercy dans des conditions aussi satisfaisantes que possible.

Au point de vue matériel, les élèves sont plutôt favorisés par suite de leur petit nombre ; la cherté de la vie, qu'il y avait lieu de redouter, a été notablement atténuée grâce à l'appoint fourni par les ressources du vaste jardin de l'École.

Au point de vue intellectuel et moral, l'ambiance donne plus de force et d'acuité au sentiment du devoir. Les élèves font visiblement effort pour donner satisfaction à leurs maîtres. [...]

Les professeurs ne manquent pas de commenter les événements actuels ; une causerie hebdomadaire faite par le Directeur leur est spécialement consacrée et les élèves en suivent le développement avec un intérêt passionné.

Enfin, nos élèves maîtres vivent par le cœur avec leurs anciens qui combattent; ils applaudissent à leurs prouesses, aux citations élogieuses et aux promotions dont ils sont l'objet.

Ils conservent le pieux souvenir de leurs nombreux camarades glorieusement tombés face à l'ennemi, et ils n'oublient pas non plus ceux qui attendent, stoïquement et sans impatience, leur libération et leur retour dans la mère-patrie.

En résumé, nos élèves maîtres anciens et nouveaux nous donnent par la simple et noble compréhension de leurs devoirs, la plus entière satisfaction. »

 

L'École normale d'Institutrices de Bar-le-Duc

Juillet 914 : la fin d'une année scolaire et un nouveau recrutement

 

«Jusqu'en août 1914, la vie de l'école a été régulière et les résultats satisfaisants au point de vue intellectuel et moral. 23 élèves sur 25 ont obtenu le brevet supérieur en juillet dernier; 27 sur 29 le certificat de fin d'études normales, donc 14 avec la mention « ménagère ». De plus, 19 ont obtenu le certificat d'aptitude à l'enseignement de la gymnastique (degré élémentaire). »

 

« La faiblesse de l'examen d'entrée de juillet 1914 n'a permis de recevoir que 20 élèves. Étant donné la situation exceptionnelle créée par la guerre dans la Meuse, nous n'avons pas cru devoir compléter l'effectif. La grande majorité de ces jeunes filles ont été préparées dans les écoles supérieures et les cours complémentaires du département ; trois seulement viennent de l'extérieur. »

Des bâtiments réquisitionnés pour servir d'hôpital

En août 1914 les locaux de l'École normale et une partie du mobilier sont remis à l'Union des Femmes de France pour y installer un hôpital, l'hôpital auxiliaire numéro 111. L'UFF est l'une des sociétés Croix-Rouge qui existent alors en France. Dans son rapport au Conseil général, l'inspecteur d'Académie espère que le comité de l'Union des femmes de France de Bar-le-Duc contribuera à la remise en état des bâtiments et du mobilier quand l'École se réinstallera dans ses locaux.

La rentrée de l'année scolaire 1914-1915 n'a pu avoir lieu qu'en janvier 1915. » L'effectif est de 67 élèves (19 en lère année, 23 en 2e année, 25 en 3e année) contre 77 l'année précédente (73 élèves internes et 4 auditrices libres). Leur répartition est la suivante : 23 suivent les cours à l'EN de Bar-le-Duc (11+11+1 par promotion de la lere à la 3e année), 11 ont été admises dans d'autres EN (5+6+0), 17 enseignent comme intérimaires (0+3+14), 10 sont restés dans les pays envahis (1+1+8) et 6 sont dans leurs familles (2+2+2).

« Les écoles annexes maternelle et primaire occupent, depuis le début de la guerre, les locaux mis gracieusement à notre disposition » par M. Navelot, rue des Grangettes, et par M. Prince, rue du Tribel. »

« Privée de la jouissance de ses locaux, l'École normale a dû se contenter, de janvier à juillet 1915, de deux petites pièces de l'appartement de la Directrice où se réunissaient ses 23 élèves externes. » En effet, « les élèves maîtresses ont dû consentir à être externes ; elles prennent leurs leçons dans deux pièces de l'appartement de la Directrice aménagées à cet usage. « On a pu se contenter, cette année, de cette installation toute provisoire, parce qu'un certain nombre d'élèves étaient retenues en pays occupé, que d'autres étaient admises dans les Écoles normales de départements voisins, et qu'enfin, deux années d'études seulement ont été réorganisées au lieu de trois. »

« Depuis la guerre, les normaliennes ont vivement senti la nécessité de faire effort pour se préparer à remplir convenablement leur tâche d'institutrices. La plupart des élèves de troisième année ont été appelées à suppléer des instituteurs absents. Elles envoient régulièrement des devoirs à leurs anciennes maîtresses qui les aident de leurs conseils dans le pénible apprentissage de leur métier. Ces conseils, par correspondance, remplacent mal la culture générale et professionnelle de la 3e année qui n'a pu être assurée et dont nous sentons actuellement toute l'importance. »

« Les élèves de lere et de 2e années mettent toute leur application à profiter des leçons de leur maîtresse et l'on peut espérer que cette année d'étude portera des fruits, malgré le retard apporté à la rentrée et les inconvénients d'une installation défectueuse. Les terribles événements auxquels elles assistent de loin, contribuent, du reste, arrêter la maturité de leur esprit; ils font l'objet de commentaires fréquents et de conférences hebdomadaires. »

Pendant cette année 1914-1915, où le régime était l'externat, « le travail a été souvent attifé superficiel, malgré les résultats en apparence satisfaisant (huit élèves reçues au brevet supérieur et une admissible sur 11 candidates). » Le concours de recrutement organisé en juillet 1915 n'a pas donné les résultats escomptés. 25 candidates seulement se sont présentées au concours pour 25 places (contre 49 en 1914.) 

 1915-1916 : des normaliennes dispersées

« En 1915-1916, en raison des difficultés d'installation et d'organisation, seuls les cours de première et de deuxième année fonctionnent à l'École normale de Bar-le-Duc. La dispersion des familles, la nécessité pour quelques élèves de gagner immédiatement leur vie ont contribué à diminuer le chiffre les élèves présentent à l'école.

 

Seul l'effectif de lère année, au total 22 élèves, est au complet à Bar-le-Duc. Il comprend 17 élèves admises au concours de 1915, 3 supplémentaires et deux admises au concours de 1914. Sur les 19 élèves de la promotion 1914-1917, 13 suivent les cours de 2e année dans différentes écoles normales, hors du département, trois retardés dans leurs études suivent les cours de lere année, trois sont en congé pour convenances personnelles. Sur les 23 élèves de la promotion 1913 1916 qui devraient être en 3e année, 15 ont obtenu leur brevet supérieur en juillet ou octobre 1914 et occupent des places d'institutrices intérimaires ; une a sollicité un poste avant d'avoir obtenu le brevet supérieur, pour des raisons familiales ; une est en congé ; une est restée en pays occupé ; cinq ont repris les études qu'elles avaient dû interrompre en 1914 1915.

Une partie des élèves a quitté le département. « D'octobre à décembre 1915, 35 élèves internes ont été réunis dans un immeuble loué par M. le Ministre de la fonction publique à Nancy, 7, rue Émile-Gallé. Après un licenciement de trois mois, motivé par le bombardement de Nancy et la nécessité de faire aboutir d'autres arrangements mettant aux élèves de continuer leurs études, 21 élèves ont été autorisés à suivre, jusqu'en octobre les cours de l'École normale de Meurthe-et-Moselle actuellement transférée à Vittel, tandis que le reste de l'effectif à trouver place dans différentes écoles de l'intérieur.

L'inspecteur d'Académie dresse aussi un bilan intellectuel et moral de la formation. « La guerre a été, pour la plupart des normaliennes, une rude maîtresse qui leur a appris l'endurance, la nécessité de l'effort et la persévérance. Par les épreuves qu'elle leur a apportées et les exemples qu'elle leur a offerts, elle a mûri leur caractère et leur a mieux fait sentir la nécessité de gagner leur vie et de faire œuvre utile. Mais, d'autre part, elle les a placés dans des conditions bien peu favorables au développement de leur instruction et à la culture de leur intelligence. [...] D'octobre à décembre 1915, le travail a été plus sérieux et plus soutenu [que l'année précédente] ; mais un licenciement prolongé, la nécessité de s'adapter à d'autres maîtresses vont compromettre des résultats que l'on pouvait espérer assez bon. Il serait urgent de réorganiser une troisième année d'études, d'abord pour compléter l'instruction d'élèves qui, deux années de suite, n'ont eu que sept mois de présence à l'École lieu de dix, et ensuite pour leur ménager une initiation à la pratique de l'enseignement, qui paraît de plus en plus importante.

Les anciennes élèves ont bien souvent confié à leur directrice leur embarras et les difficultés rencontrées dans la conduite de leur classe et leur préparation aux examens pédagogiques.

Mais sera-t-il possible de rendre à l'École normale de la Meuse une vie indépendante à la rentrée prochaine ? Je ne puis que m'associer au vœu du conseil des professeurs et du conseil d'administration de l'établissement sur ce point.